Transport : La lutte contre l’artificialisation des sols et la protection du climat sont liées.

S’opposer à tel ou tel projet d’infrastructure routière, ce n’est pas simplement s’opposer pour s’opposer. D’une part parce que les pouvoirs publics focalisent l’attention sur le problème à résoudre souvent lié à une saturation du réseau routier, sans chercher véritablement à combattre la cause : le trafic routier. De l’autre, leur obstination à croire que construire une nouvelle route ou l’élargir soit la seule solution souffler par les lobbys du béton, accentue l’artificialisation des sols.
Or, l’artificialisation des sols est dénoncée pour la disparition des terres agricoles, la dégradation des sols et de la biodiversité. Elle contribue également au dérèglement climatique. Le respect de nos objectifs climatiques et ceux en matière de réduction d’artificialisation sont donc liés. Ainsi, agir sur le secteur des transports prend tout son sens, selon le Réseau Action Climat.

Le RAC questionne : Lutte contre l’artificialisation des sols et protection du climat : même combat ?

Le chantier du Grand contournement ouest de Strasbourg, secteur de la gare de péage à proximité d’Ittenheim. © Maxppp – Jean-Marc LOOS

– source Réseau Action Climat / 20-04-2023 TRANSPORTS

Artificialisation des sols et dérèglement climatique

L’artificialisation des sols consiste à transformer un sol naturel, agricole ou forestier, par des opérations d’aménagement pouvant entraîner une imperméabilisation partielle ou totale, afin de les affecter notamment à des fonctions urbaines ou de transport (habitat, activités, commerces, infrastructures, équipements publics…).

Elle contribue à l’érosion des fonctions écologiques des sols et de la biodiversité mais aussi au dérèglement climatique  :

  • de manière directe via la libération du carbone contenu dans les sols lors de leur artificialisation et par l’absence de stockage de carbone dans les sols imperméabilisés ;
  • de manière indirecte car l’artificialisation des sols est provoquée par le développement de projets polluants (industrie, axes routiers, zones commerciales excentrées, mines.. ) qui vont générer des gaz à effet de serre lors de leur construction et à l’usage.

Malgré une récente et légère baisse du rythme de l’artificialisation des sols depuis une décennie, la superficie des espaces artificialisés a augmenté de 72% entre 1982 et 2018 en France métropolitaine1, alors que la population n’a crû que de 19%. C’est dans ce contexte d’étalement urbain incessant que la France s’est fixé en 2021 dans la loi Climat et Résilience l’ambition de “Zéro Artificialisation Nette” d’ici 2050 avec un objectif intermédiaire de réduction de moitié du rythme de l’artificialisation entre 2021 et 2031 par rapport à la décennie précédente.

En France, entre 20 000 et 30 000 hectares sont artificialisés chaque année. Cette artificialisation augmente presque 4 fois plus vite que la population, et a des répercussions directes sur la qualité de vie des citoyens mais aussi sur l’environnement.

L’impact du transport sur l’artificialisation des sols

Les infrastructures de transport représentent le deuxième facteur d’artificialisation derrière la construction d’habitats avec respectivement 28% des surfaces artificialisées liées au transport et 42% à l’habitat2. La France métropolitaine bénéficie du réseau routier le plus important d’Europe en cumulant 1073 milliers de km (contre 644 pour l’Allemagne qui occupe la seconde place)3. Le secteur des transports cumule plus de 50 nouveaux projets routiers contestés pour un coût total estimé à près de 18 milliards d’euros dont plus de 12 milliards d’euros d’argent public4.

« les réseaux routiers contribuent à la création de zones d’activités          
et au phénomène d’expansion urbaine. »          

L’artificialisation due au transport est particulièrement problématique puisqu’elle aboutit systématiquement à l’imperméabilisation des sols, qui induit des impacts plus sévères sur les écosystèmes, le cycle de l’eau ou le cycle du carbone. La construction d’infrastructures routières provoquent également une fragmentation massive des habitats naturels, cause majeure de l’extinction de notre biodiversité.

A cela s’ajoute un effet indirect sur l’artificialisation des sols, puisque les réseaux routiers contribuent à la création de zones d’activités et au phénomène d’expansion urbaine.

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La coalition La Déroute des Routes récence plus 70 projets d’infrastructure routière en France dont au mois 55 sont contestés.

Diminuer le trafic tout en continuant à construire de nouveaux axes routiers : un “en même temps” intenable ?

Côté climat, le transport routier est à lui seul responsable de 94% des émissions de CO2 du secteur des transports5, premier secteur émetteur de gaz à effet de serre en France. Il s’agit également du seul secteur dont les émissions n’ont toujours pas entamé une baisse par rapport à leur niveau de 1990. Le respect de nos objectifs climatiques nécessite ainsi un effort supplémentaire considérable en particulier dans le secteur des transports puisqu’il s’agit de multiplier par 6 l’effort de réduction pour atteindre une baisse annuelle de 4 millions de tonnes équivalent CO26.

« la création de voies de circulation supplémentaires          
va toujours générer une nouvelle demande
»          

Face à ce constat et malgré l’ampleur du défi, la construction de nouvelles routes est encore mise en avant comme une réponse aux problèmes de congestion du trafic automobile. Elles s’avèrent pourtant inefficaces et même dangereuses puisqu’elles entraînent systématiquement une augmentation proportionnelle du trafic routier. Ce que l’on appelle le “trafic induit”.

Le concept de “trafic induit” a été confirmé par de nombreux travaux. L’Ademe a ainsi réalisé en 2021 une revue des études menées dans les 545 grandes zones urbaines européennes. Le constat est formel : “la création de voies de circulation supplémentaires va toujours générer une nouvelle demande”7. A titre d’exemple, le réaménagement à Manchester de la “M60 Manchester Motorway Box” a par exemple généré un report modal vers la voiture de 4% ainsi qu’une hausse du nombre de déplacements liés au travail et aux études de près de 12%.

Enfin, la construction de nouvelles routes est également un facteur d’aggravation de la pollution de l’air. L’Ademe estime ainsi qu’une augmentation de la capacité du réseau routier de 10% provoque une augmentation de la pollution de l’air de 1%.

Projet local, impacts globaux

D’ici à 2031, les régions devront donc réduire de moitié leur rythme de consommation d’espaces naturels, agricoles et forestiers, ce qui se traduit par la possibilité tout de même d’artificialiser 125 000 ha. Cependant, l’étude “Projet local, impact global” de l’association Terres de Luttes souligne que si l’on déduit l’artificialisation des infrastructures nouvelles et nécessaires à d’habitat collectif, aux mobilités douces et aux énergies renouvelables, cela ne laisserait aux autres secteurs (équipements industriels, agriculture, réseaux routier…) qu’un budget d’environ 45 000 ha d’artificialisation8. L’artificialisation due à ces secteurs étant de 159 000 ha sur la décennie précédente, elle doit donc être divisée par 3, objectif qui ne pourra pas être atteint sans réduire drastiquement le nombre de projets routiers.

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L’étude démontre ainsi que le choix des pouvoirs publics de poursuivre des centaines de projets d’infrastructures à travers la France compromet gravement l’atteinte de l’objectif de zéro artificialisation des sols mais aussi de neutralité carbone8. Sur le terrain, ces projets font l’objet de contestations grandissantes : les collectifs d’habitants dénonçant localement leurs impacts négatifs sur l’environnement, la destruction des terres et les pollutions engendrées9.

3 % de baisse du trafic routier sur la M35 traversant Strasbourg avec la mise en service du GCO à Strasbourg, autoroute à péage imposé par l’Etat en 2018 et mise en service en décembre 2021. Les opposants avaient prévenu. Ils avaient même fait des propositions alternatives (les 10 solutions pour faire sauter les bouchons. Ils n’ont pas été entendu. Est-ce une fatalité ? Non !

« L’A69 entre Castres et Toulouse comme l’A133-134 à Rouen          
et au moins 5 autres projets autoroutiers sont un non-sens écologique ! »          

C’est notamment le cas sur la future autoroute avec péage A69 entre Toulouse et Castres qui menace d’artificialiser plus de 400 hectares de terres  agricoles, de zones humides et de forêts alors qu’un projet alternatif de modernisation de la RN 126 existe et qu’une ligne TER relie également les villes. Au total, les travaux pour la A69 coûteront plus d’un demi-milliard d’euros et ce, pour un gain de temps par trajet limité à 15 minutes.

Initié en 1994, cette autoroute vise à désenclaver le Sud du Tarn en reliant Castres et Toulouse par la commune de Verfeuil. Celle ci s’y oppose, ainsi que le Comité National de Protection de la Nature et de l’Autorité environnementale qui dénonce « un projet anachronique au regard des enjeux et ambitions actuels en matière de sobriété, de réduction des émissions de gaz à effet de serre, d’arrêt de l’érosion de la biodiversité et de l’artificialisation du territoire »10.

Il est urgent de se doter d’une politique de planification écologique cohérente de bout en bout

En l’absence d’un cap clair du Gouvernement sur l’arrêt de financement de nouveaux projets routiers, ceux du type “Toulouse – Castres” se comptent encore par dizaine sur le territoire … Alors que le Président de la République a réaffirmé sa volonté de présenter d’ici l’été son projet de planification écologique, il est urgent de mettre fin à cette aberration environnementale en actant sans plus attendre l’arrêt du financement de l’ensemble des nouvelles infrastructures routières.

Références

1 Selon les données Teruti-Lucas

2 Sols artificialisés et processus d’artificialisation des sols : Déterminants, impacts et leviers d’action. IFSTTAR et INRA (France), 620 p. (rapport), 127 p. (synthèse)

3 Service de l’observation et des statistiques, 2016

4 Le vrai plan d’investissement dans les infrastructures de transport pour réussir la transition écologique, RAC, 2022.

5 Chiffres clés du transport, MTE, 2021.

6 Rapport annuel 2022, HHC. 

7 Mesures pour modifier le trafic routier en ville et la qualité de l’air extérieur, Ademe, 2021. 

8 https://terresdeluttes.fr/projet-local-impact-global/

9 https://terresdeluttes.fr/les-davids-sorganisent-contre-goliath/

10 https://www.igedd.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/221006_castres_toulouse_31_81_delibere_cle52cee7.pdf


Nous ne voulons plus de nouveau GCO en France

En Alsace, comme dans la plupart des territoires hexagonaux, il y a les paroles d’intentions du gouvernement : l’annonce en février d’un plan de 100 milliards d’euros destinés aux mobilités alternatives au tout-voiture comme le train et la réalité sur le terrain. Cette réalité montre que les pouvoirs publics continuent de soutenir le tout-routier.

Ainsi, alors que les contestations locales se multiplient, le choix des pouvoirs publics de poursuivre plus de 50 nouveaux projets routiers compromet gravement l’atteinte de l’objectif de zéro artificialisation nette des sols mais aussi de neutralité carbone. Une réalité dont Le Canard enchaîné s’est fait écho dans un article paru le 12 avril « il est vert mon béton » montre que l’Etat et les collectivités n’ont toujours pas compris.

Sortir de la logique du tout-routier

Avec la coalition La Déroute des routes dont GCO NON MERCI est membre, nous défendons un moratoire sur tous les projets routiers, dans l’attente de leur réexamen au regard des stratégies fixées par l’Etat et des enjeux climatiques, écologiques et sanitaires auxquels nous faisons face. L’objectif est de sortir de la logique du tout-routier dont le contournement Ouest de Strasbourg imposé en 2018 est l’exemple de ce qu’il ne faut pas (plus) faire en France.


Le collectif GCO NON MERCI dans ses 10 solutions pour faire sauter les bouchons,
milite pour des mobilités douces et durables