Nous n’avons pas la lutte honteuse

Nous reproduisons ici un texte écrit par Caroline Ingrand‐Hoffet, pasteure à Kolbsheim, suite au discours du Premier Ministre Jean Castex, pour l’inauguration du GCO ce samedi 11 décembre 2021.

Lors de l’inauguration du contournement ouest de Strasbourg samedi 11 décembre 2021, le premier ministre a commencé son discours en disant « ne pas avoir voulu manquer un moment aussi important ». Il me parait important d’en relever certains passages.

Il a avoué ne pas avoir « l’inauguration honteuse ». Qu’il se rassure, l’opposition non plus n’est pas honteuse de sa lutte, tant les alarmes sonnent de toutes parts remettant en cause nos modes de transport.

Il félicite les acteurs « qui ne sont pas découragés dans cette formidable aventure ». Je remercie tous ceux qui ne sont pas découragés, dénonçant durant des décennies, ce grand projet inutile, malgré un déni de démocratie criant et lancinant.

Il nous parle d’un projet « emblématique et structurant ». Le mouvement d’opposition a été emblématique et structurant. Rassemblant des militants de milieux et territoires divers, dépassant clivages politiques, associatifs, religieux ou générationnels, cette lutte a généré solidarité et complémentarité au service de la justice climatique, qui font déjà date.

Le premier ministre loue « le soutien sans faille de l’Etat ». Nous louons les instances, dont le Conseil National de la Protection de la Nature, qui ont eu la clairvoyance de donner huit feux rouges environnementaux successifs à ce projet, tout en constatant qu’elles ne sont pas écoutées. L’Etat peut‐il être « une autorité légitime et démocratique », quand le premier ministre veut « simplifier les procédures devant l’autorité environnementale » pour permettre à l’Etat de remplir son « devoir d’investir dans les routes sur tout le territoire » ?

Le premier ministre « revendique et assume » cette construction. Nous revendiquons et assumons une opposition juridique minutieuse qui n’a rien à voir avec « des controverses auxquelles il faut mettre fin ». La justice a reconnu le bienfondé de ces « polémiques », allant jusqu’à émettre en 2018 un doute sérieux quant à sa légalité. Parlant d’un «nombre incalculable de contentieux », le premier ministre omet de mentionner qu’ils ne sont pas tous jugés. Le tribunal administratif de Strasbourg se prononcera sur l’intérêt public majeur de l’autoroute en mai 2022.

Selon lui, le projet a fait l’objet « d’une très large concertation ». Malgré les deux avis négatifs des commissions d’enquêtes publiques, « toutes les procédures ont été respectées ». Il en va pour lui, de la « crédibilité » de l’Etat. Il en va de la crédibilité de ceux qui sont soucieux de justice, de noter que les procédures n’ont souvent pas été respectées. Les mesures compensatoires ont encore été jugées insuffisantes par le CNPN, la veille de cette inauguration.

Le premier ministre a cité « le grand hamster d’Alsace pour lequel je conçois respect et affection » en faisant rire son auditoire. Peut‐on ironiser sur une espèce menacée, à propos de laquelle la France a été condamnée par l’Union Européenne pour non‐respect de ses obligations de protection ? Comment aujourd’hui ignorer que la biodiversité est gage de la survie de l’humanité ?

Le premier ministre appelle à « regarder vers l’avenir et à le préparer ». Il veut accélérer le « verdissement de notre parc automobile » grâce auquel « les routes ne sont plus les ennemis de la transition écologique ». Regarder l’avenir en face ne relève pas d’un verdissement. C’est assumer nos erreurs et initier un changement profond de nos manières de vivre.

Le premier ministre nous invite pour finir à « tirer les conséquences de cette crise, à nous regarder nous‐mêmes avec lucidité et savoir en tirer avec courage et opiniâtreté toutes les conséquences. » Quelles conséquences l’Etat tire‐t‐il de sa condamnation pour non‐respect de ses engagements environnementaux et climatiques en octobre 2021 par la cour administrative de Paris ? Merci à tous les militants pour leur courage et leur opiniâtreté. La crise est là. C’est notre responsabilité de citoyens d’éveiller les consciences et de dénoncer si besoin les manquements de l’Etat.

Caroline Ingrand‐Hoffet, pasteure à Kolbsheim, décembre 2021

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