« Pas de parking, plus d’affaires » en centre-ville : une idée reçue à déconstruire.

Alors que l’opposition et les commerçants annoncent la mort de Schiltigheim pour cause de piétonisation de la route de Bischwiller. Alors que les influenceurs du tout-automobile ou pro-voitures tirent à boulet rouge sur la politique cycla-ble et les aménagements dans le centre-ville de Strasbourg. Cette étude met à mal ces idées reçues : « No parking, no business » en centre-ville : un mythe à déconstruire.

En mars 2024, des associations de commerçants ont saisi le Conseil d’État pour s’insurger contre la future piétonnisation de la Presqu’Île de Lyon.

Les mesures de ce type se multiplient en France dans une volonté d’apaiser les centres-villes pour les rendre plus agréables et y réduire la pollution. Mais elles génèrent quasi systématiquement une levée de boucliers de la part des commerçants qui y sont implantés.

Déjà frappés par une concurrence croissante du commerce en ligne et des zones commerciales périphériques – qui se traduit par un taux de vacance commerciale (vitrines vides) qui a fortement augmenté dans les villes françaises – ils voient toute mesure de réduction de la place de la voiture (piétonnisation, stationnement…) comme une menace supplémentaire à la bonne marche de leurs affaires.

Pour répondre aux difficultés du commerce de centre-ville, deux écoles se font face :

  • La première, souvent prônée par les commerçants, consiste à faciliter la circulation et le stationnement automobile en espérant drainer des clients éloignés.
  • La seconde, au contraire, propose de travailler sur l’ambiance urbaine, en reprenant de l’espace à la voiture au bénéfice des piétons, en misant sur le fait que ces derniers auront davantage tendance à venir s’y promener et y consommer.

Le collectif CAP TRAM NORD -[1] fait référence à l’article paru sur The Conversation France pour contrer les idées reçues avancées par l’opposition et les commerçants sur la piétonisation de la route de Bischwiller à Schiltigheim.

Sur ce sujet sensible où opinions et ressentis dominent, rares sont les études qui se sont penchées sur la mobilité des clients qui fréquentent les commerces de centre-ville pour objectiver le débat. Quelques-unes existent toutefois, menées à Rouen, à Lille ou encore à Nancy.

Toutes mettent en évidence les mêmes constats : la plupart des clients vivent à proximité des commerces, viennent majoritairement à pied et en transport collectif et appellent de leurs vœux des espaces apaisés et une place restreinte de la voiture. De leur côté, les commerçants surestiment systématiquement l’usage de l’automobile par leurs clients.


Les achats, majoritairement réalisés à proximité du domicile. Base unifiée des enquêtes ménages-déplacements, 2017. Mobilité et commerces quels enseignements des enquêtes déplacements ? CeremaCC BY-NC-ND

No parking, more business ?

L’idée reçue qui se traduit par : « pas de parking, plus d’affaire » est un mythe puisque les études évoqués dans l’article de The Conversation France montrent que la plupart des consommateurs du cœur des grandes villes vivent à proximité et que leur mode de déplacement est la marche à pied qui arrive en général devant les transports collectifs puis la voiture.

Quand bien même les automobilistes sont minoritaires parmi la clientèle du centre-ville, leur poids n’est pas négligeable. Leur éviction ne pourrait-elle pas engendrer une perte pour les commerces ? Le questionnement semble légitime.

En réalité, il s’agit de sortir du cloisonnement entre piétons, automobilistes, utilisateurs de transport collectif. Souvent, nous sommes les trois à la fois. La plupart des automobilistes disent ainsi qu’il leur arrive de venir par d’autres moyens que la voiture.

A Lille, parmi les clients qui viennent en voiture, seuls 13 % n’utilisent que ce mode de déplacement pour venir en centre-ville. Autrement dit, 87 % d’entre eux empruntent parfois un autre mode de transport pour y aller. La fréquentation du centre-ville y a en outre bondi de 15 % après la piétonnisation. Ce chiffre montre qu’en compliquant – un peu – l’accès en voiture, la ville est en fait rendue beaucoup plus agréable pour tous. Ce qui se traduit par une fréquentation accrue.

D’autres études ont été menées à l’étranger et dressent le même constat.

  • En Espagne, 14 villes (petites, moyennes et grandes) ayant mis en œuvre des projets de piétonnisation ont ainsi été analysées. Ces projets se sont systématiquement accompagnés d’une augmentation significative du chiffre d’affaires des commerces, avec un effet plus fort encore dans les petites villes.
  • Aux Etats-Unis et au Canada, 45 études de cas menées sur des projets favorables à la marche, au vélo ou aux deux dressent le même constat. Dans 90 % des cas, ils ont profité aux commerces, une toute petite proportion des cas d’usage a engendré une baisse du chiffre d’affaires.

Pour connaître plus en détail la synthèse réalisée de ces études par Mathieu Chassignet, ingénieur transports et mobilité à l’Ademe (Agence de la transition écologique), reportez-vous sur son article publié sur le site The Conversation France et intitulé « No parking, no business » en centre-ville : un mythe à déconstruire

« Rappelons enfin qu’il s’agit de remettre cette tendance en perspective. La réduction de la place de la voiture en ville est ancienne et les commerçants l’ont toujours combattue, agitant la peur de « la mort du centre-ville ». Mais une fois les transformations opérées, elles ne sont jamais remises en question et on finit par se demander pourquoi on ne les a pas faites avant. »

MATHIEU CHASSIGNET

Un sujet que nous avons déjà abordé ici :

« L’idée de freiner le développement des zones commerciales périphériques commence à faire son chemin[…. En revanche les avis divergent fortement sur la façon de traiter l’espace public pour redynamiser le centre-ville et sur les actions à mettre en place pour organiser la mobilité… »

Commerces de proximité : en finir avec le dogme du « no parking, no business »

L’idée de freiner le développement des zones commerciales périphériques commence à faire son chemin[…. En revanche les avis divergent fortement sur la façon de traiter l’espace public pour redynamiser le centre-ville et sur les actions à mettre en place pour organiser la mobilité… lire la suite

– REVUE DE PRESSE –


Le collectif GCO NON MERCI dans ses 10 solutions pour faire sauter les bouchons, milite pour des mobilités douces et durables


  1. Le collectif CAP TRAM NORD regroupe une coalition de 27 organisations dont GCO NON MERCI. Ensemble, ils militent pour soutenir l’arrivée du tram sur le nord de l’Eurométropole, sur son axe ‘route du général de Gaulle/route de Brumath’ ↩︎