Contournement de Châtenois : « Le désengorgement local n’est qu’un prétexte ! »

Une opération “greenwashing” s’est déroulée le 5 octobre.
« Venez à pied, en roller, en vélo, en trottinette » indiquait l’affiche de l’événement. Comme en 2021 avec la journée porte ouverte sur le GCO*, la CeA a organisé une ironique fête sans voiture pour présenter sa nouvelle route. © 2024

Quelques jours plus tard…

Le 10 octobre 2024 marque l’ouverture du contournement de Châtenois à la circulation, après un demi-siècle de rebondissements. Pour l’occasion, les DNA consacre un long format dans leur édition numérique. Nous nous permettons de reprendre ici un extrait.

Hubert Jaeger : « Le désengorgement local n’est qu’un prétexte ! »

Membre d’Alsace Nature, le Thanvillois Hubert Jaeger suit le dossier du contournement de Châtenois depuis une trentaine d’années. L’écologiste regrette que d’autres alternatives à la construction de cette infrastructure n’aient pas été assez envisagées.


« Alsace Nature a toujours soutenu la nécessité de trouver une solution. Nous n’avons jamais dit qu’il ne fallait rien faire. Mais nous avons un désaccord sur la forme », explique Hubert Jaeger, membre de l’association. © 2024 DNA

Que pensez-vous de la mise en service du contournement de Châtenois ?

« J’ose espérer, qu’après tout ce massacre environnemental, que le contournement de Châtenois règle le problème des congestions liées aux déplacements pendulaires. Mais j’ai beaucoup de doutes. Cette route sera une déception locale alors que ce dossier aurait dû être réfléchi au niveau local, régional, national et européen. L’objectif initial du projet était la sécurisation de la RN 59 et le désengorgement de Châtenois lors du trafic pendulaire. Il y a un manque de respect des habitants du Centre-Alsace. Les pouvoirs publics leur ont menti. Ils auraient dû oser leur dire la vérité. Car le désengorgement local n’est qu’un prétexte.

L’État et la CEA se sont servi de la souffrance des habitants de Châtenois pour résoudre un problème de circulation transvosgien. Je crains que la CEA interdise la circulation des poids lourds dans les cols vosgiens avec un passage obligatoire par le tunnel Maurice Lemaire de Sainte-Marie-aux-Mines.

Je comprends le désarroi des habitants d’un village comme Le Bonhomme où de nombreux poids lourds passent quotidiennement. Mais la réponse n’aurait pas dû être Châtenois. Mille poids lourds traversent Le Bonhomme chaque jour, autant passent par la Vallée de la Bruche, ce sont autant de véhicules que l’on risque de retrouver sur le contournement… »

« Alors que beaucoup de monde se réjouit de l’ouverture prochaine du contournement nous (les riverains de la RD35) qui habitons au plus près de la nouvelle « contournante » sommes dépités du cynisme ambiant des autorités qui ont oeuvré à cette réalisation. Je m’explique : depuis plus de cinq ans date de début des travaux que nous avons subi au quotidien nous avons entendu plus de couleuvres que de raison. En effet, la dernière mouture du contournement prévoyait une 2 x 2 voies limitée à 90 KM/H (promesse de tous nos élus…) et oohhh surprise que découvrons-nous le jour de l’ouverture « festive » le 5 octobre ??? des panneaux de limitation de vitesse à 110 km/h … Alors même que toutes les études préliminaires concernant le bruit et la pollution ont été réalisées sur une base d’une vitesse de 70 et de 90 km/h … Sommes-nous devenus si insignifiants qu’aucun de nos élus n’aie eu l’honnêteté de nous annoncer la vérité ? et ces mêmes élus auraient-ils perdu toute notion de courage? »

TEMOIGNAGE RELEVE DANS LA VERSION NUMERIQUE DES DNA DU 2 OCTOBRE 2024

L’association Alsace Nature a souvent été mise en cause dans ce dossier de contournement…

« Depuis l’origine, Alsace Nature a toujours soutenu la nécessité de trouver une solution. Nous n’avons jamais dit qu’il ne fallait rien faire. Mais nous avons un désaccord sur la forme. La méthodologie ERC (Eviter, Réduire, Compenser) n’a pas été correctement appliquée. Des études publiques ont proposé différentes variables sans véritable intérêt.

Une solution avancée a été le creusement d’un tunnel sous le Hahnenberg. On se foutait du monde ! Concernant la route, au lieu de la deux fois deux voies, Alsace Nature était favorable à une « 1×3 voies », avec une voie changeant de sens lors des pics de circulation comme cela se fait en Suisse. Il reste aussi les problèmes des giratoires. Cela ne change rien au problème. Nous espérons juste que cela ne va pas être pire. Les réflexions autour de la mobilité douce et des transports en commun n’ont pas été assez développées. Le plus décevant est la piste cyclable. Tout est bricolé. Cela aurait dû être négocié dans le projet global du contournement.

J’étais présent aux réunions de la commission de suivi environnemental des travaux du contournement. J’y ai vu très peu d’élus. Au travers du conseil de développement du PETR, Philippe Schwob et moi-même avions proposé une option sur la voie ferrée desservant les deux vallées. Jusqu’à présent, cela est resté lettre morte. Par ailleurs, Alsace Nature aurait souhaité une étude sur le réaménagement de la route actuelle traversant Châtenois. Cette voie était déjà un axe de contournement avant que des maisons ne se construisent autour. Nous aurions aimé des données sérieuses sur l’atteinte et sur l’impact des riverains. Déplacer des riverains en leur proposant de s’installer ailleurs dans des maisons neuves aurait peut-être été moins coûteux que la construction du contournement. »


Comme pour le GCO, la forme pose problème. A l’arrivée, c’est la nature et la biodiversité qui sont perdantes. © 2023 DNA – Franck Delhomme

Que pensez-vous des compensations environnementales ?

« En France, la biodiversité reste une problématique très très secondaire. Le secteur de Châtenois était réputé comme un lieu où les papillons, comme l’azuré des paluds et l’azuré de la sanguisorbe, étaient présents en nombre. Bizarrement, dans le cadre de la mise en place des zones Natura 2000, lors de la cartographie des espaces pour des espèces à enjeux, le périmètre de Châtenois n’a pas été retenu. Est-ce qu’à l’époque, il ne fallait déjà pas compliquer le dossier environnemental de la déviation de Châtenois ?

Autre fait, de nombreux agriculteurs n’ont pas voulu lâcher leurs terres. Ils ont signé des ORE (Obligation réelle environnementale) pour une durée de seulement 50 ans. Moyennant une rémunération, parfois considérable, les exploitants sont astreints à un cahier des charges sur la gestion de leur terre. Ils doivent notamment faucher tardivement. C’est un jackpot financier pour certains ! Qui va vérifier que les agriculteurs respectent bien leur engagement ? »

Contournement de Châtenois : un demi-siècle de rebondissements

Le contournement de Châtenois est l’exemple parfait des difficultés rencontrées par les pouvoirs publics afin qu’un tel chantier puisse voir le jour. Procédures administratives à rallonge, études tous azimuts, recours des associations au tribunal administratif, compensations environnementales obligatoires, coût financier important, enjeux politiques… En près d’un demi-siècle, ce projet de construction d’infrastructures routières aura connu bien des péripéties… lire la suite

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Le collectif GCO NON MERCI dans ses 10 solutions pour faire sauter les bouchons,
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