« L’état de droit » ou quand l’histoire se répète : ça suffit !

– photo chapô : déviation de Beynac, projet annulé par le Conseil d’Etat en 2020.1
– mise à jour le 26 avril 2023 à 13h43
– par Bruno Dalpra, membre de GCO NON MERCI

« J’espère que le projet d’autoroute Toulouse-Castres verra bien le jour en 2025 », clame Jean Terlier, député de la 3e circonscription du Tarn qui assure : « on a bien conscience de l’empreinte écologique d’une telle infrastructure, mais des habitants y sont favorables », a réagi le député Renaissance au micro de France Bleu Occitanie au lendemain d’un week-end de mobilisation des opposants au projet de l’A69.

Jean Terlier sur France Bleu Occitanie le 24 avril 2023

Manifestation à Saïx dans le Tarn contre l’autoroute A69 © Maxppp – Laurent Dard

Quand l’histoire se répète.

Le projet de l’A69 consiste à construire une autoroute à péage en parallèle d’une route nationale existante entre Castres et Toulouse. Construire une route en parallèle d’une autre, vous voyez l’aberration ?

« Il y a des travaux qui ont commencé, on est dans un état de droit : il y a eu des règles et des procédures et à chaque fois la justice a confirmé ce projet » réagit Clément Beaune, le ministre délégué aux transports, suite à la mobilisation des 22 et 23 avril dans le Tarn contre le projet de l’A69 Castres-Toulouse.

France Info, lundi 24 avril 2023

Ce n’est pas parce qu’ils ont commencé des travaux qu’ils doivent continuer pour autant le dit projet. Sunk cost fallacy ou le piège des coûts irrécupérables est notre tendance à poursuivre une entreprise dans laquelle nous avons investi de l’argent, des efforts ou du temps, même si les coûts actuels l’emportent sur les avantages.
Pourtant, face aux enjeux climatiques, stopper l’artificialisation des sols inscrit dans la loi (loi climat et résilience) doit pousser nos responsables politiques à revoir leur modèle d’aménagement du territoire et sortir de la logique du tout-routier là où des alternatives existent.

Dans les faits, les opposant·es au projet de l’A69 se heurtent à la même doctrine que nous avons dû subir dans notre opposition au projet de contournement ouest de Strasbourg : des élus et des décideurs sourds à l’opposition constructive aux certitudes dans lesquelles ils se sont enfermés.

« L’état de droit » dit le ministre. Parlons-en.

Ce n’est pas parce que des travaux ont commencé qu’un projet doit continuer. C’est vrai. Tant que le projet est dans sa phase pouvant aller jusqu’aux travaux préparatoires, il peut être stoppé sans trop de dommage irrémédiable à l’environnement. En revanche, il est impératif de tout mettre en œuvre pour empêcher les travaux de construction de démarrer. Le GCO est un cas d’école de ce qu’il ne faut plus voir en France.

Explication :

Le 30 août 2018, le préfet du Bas-Rhin signe l’autorisation environnementale unique qui ouvre le droit à ARCOS, filiale de Vinci autoroute, de pouvoir démarrer les travaux de l’A355. L’État passe en force contre toute logique environnementale.
7 avis négatifs au moment du démarrage des travaux en septembre. La justice administrative ne suspend pas les travaux lors de l’audience en référé-suspension alors qu’elle en avait les moyens.
Trois ans plus tard, en juin 2021, elle examine sur le fond le dossier. En juillet, elle donne raison aux opposants et demande des compléments sur les aspects environnementaux. Elle donne raison aux opposants mais le GCO était quasiment terminé. En novembre, le Conseil national de la protection de la nature (CNPN) et l’Autorité environnementale (Ae) en janvier 2022, donnent à nouveau un avis négatif sur les mesures compensatoires proposées par le concessionnaire (8e et 9e avis négatifs). En mai, la commission d’enquête publique complémentaire donne elle aussi un avis négatif (le 10e avis négatif). Pour autant, en juillet, la préfecture délivre une nouvelle autorisation unique corrigée.
En janvier 2023, le tribunal administratif (TA) de Strasbourg réexamine le dossier. En février, le TA valide le projet malgré 10 avis négatifs d’organisme d’État. Il valide un projet déjà construit et en service, tout en reconnaissant que les opposants ont été légitimes dans leur action à permettre selon les juges « de corriger les pièces manquantes ou incomplètes dans le dossier des mesures environnementales. Ce même tribunal en juin 2021 où le rapporteur public avait dit que si les travaux n’avaient pas commencé, l’autorisation environnementale unique aurait été annulée.

La moralité de cette histoire : un projet peut être stoppé si et seulement si les travaux de construction n'ont pas commencé. Et pour ceux qui pense à la déviation de Beynac. Elle est une exception. Quoique, l'affaire ne semble pas terminée puisque le Département s'entête.

Un projet pourrait être stoppé :

  • si l’avis du CNPN2 ou de l’Ae3 n’était plus considéré comme consultatif.
  • si la justice administrative était plus réactive et suspensive de droit pour éviter d’avoir des travaux terminés ou quasiment terminés pour se prononcer sur le fond, lorsqu’elle est saisie.

3 % est la baisse du trafic routier constaté sur la M35 (portion de l’A35 traversant l’Eurométropole de Strasbourg), 9 mois après la mise en service de l’A355.

Un moratoire pour sortir de la logique du tout-routier

Nous ne voulons plus d’autres GCO en France, cette autoroute à péage à l’ouest de Strasbourg imposée par la force en 2018 puis, validée par la justice administrative en février 2023 et ceux, malgré 10 avis négatifs d’organisme d’État. Le projet est incompensable et pourtant, l’État l’a validé contre toute logique environnementale.

Aujourd’hui, en 2023, au moins 7 projets autoroutiers sont contestés et contestables. Plus de 70 projets d’infrastructure routière ont été identifiés par la coalition La Déroute des Routes dont au moins 55 sont controversés selon un article de Reporterre. Ces projets pèsent plus de 18 milliards d’euros d’argent public, pointe la coalition. Cet argent pourrait être réorienté vers une mobilité plus en phase avec les enjeux climatiques : vélo, covoiturage, train du quotidien, … ou soutenir le télétravail là où il peut l’être par exemple.

L’État de droit ne peut pas être invoqué comme raison suffisamment valable à dire qu’un projet est jugé « dans les règles », comme l’avance le ministre délégué aux transports, en parlant du projet de l’A69 Castres Toulouse. Le projet de l’A355 de contournement ouest de Strasbourg démontre que si nos institutions avaient fonctionné dans les règles, le projet n’aurait pas été construit.
Ainsi, pour éviter que l’histoire de répète, avec la coalition nationale forte de 47 collectifs, nous demandons la mise en place d’un MORATOIRE sur l’ensemble des projets d’infrastructure routière en France dans l’attente de leur réexamen au regard des stratégies fixées par l’État et des enjeux climatiques, écologiques et sanitaires auxquels nous faisons face (la pétition a dépassé la barre des 10 000 signataires).


Le collectif GCO NON MERCI dans ses 10 solutions pour faire sauter les bouchons,
milite pour des mobilités douces et durables

Le choix de la photo chapô est volontaire !

Il s’agit d’une vue sur les vestiges des travaux de la déviation de Beynac. En 2019, ils ont été stoppés, puis le projet a été annulé par le Conseil d’État en 2020. Le conseil départemental de la Dordogne a obligation de détruire ce qui a été construit et de remettre les espaces naturels en l’état. Seulement, son président réélu en 2021, n’accepte pas la décision, ni les injonctions qui ont suivi et met le département dans une position de hors-la-loi.
Où sont le droit et les règles quand un élu de la République prend ses administrés en otage ?
Aujourd’hui, on criminalise les luttes écologistes.
Quand est-ce que le droit permettre de poursuivre un élu en tant que personne morale physique face à ses choix climaticides ?